L'Homme qui plantait des arbres - Jean GIONO

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L’Homme qui plantait des arbres

Ce texte a une histoire... de droits d'auteur ! - Par Jean-Marc CARITÉ - Éditions d'UTOVIE

Un ami éditeur de l'époque nous mit sur sa piste en nous signalant qu’il était libre de droits et, d’ailleurs, repris ici ou là, plus ou moins fidèlement d’ailleurs, y compris dans des mouvances de sectes.
En 1948, le Reader’s digest... (à l’époque Jean Giono, accusé à tort de pétainisme par les plumitifs épurateurs, se trouvait quasiment interdit de publication) demanda à plusieurs écrivains, dont Giono, de raconter leur rencontre humaine la plus extraordinaire qui soit.
Il leur livra donc le portrait d’Elzeéard Bouffier, ce berger solitaire qui, au fil des estives, avait semé partout où il passait des milliers de glands et planter des centaines de hêtres, issus d’une pépinière de fanes qu’il avait lui-même créée... Giono avait ainsi suivi le berger dans ses périples... et quelques dizaines d’années après, ce pays désolé et désertique était redevenu une forêt remarquable...
Il envoie son texte au Reader’s Digest qui est très content d’ajouter ainsi un des plus grands écrivains français à sa collection. Pour illustrer le portrait d’Elzéard Bouffier l’éditeur en demande une photo. Pas de souci Giono leur en envoie une... piochée au hasard dans un lot acquis en brocante ! Cependant, les américains qui sont parfois des gens très sérieux, avaient dépêché en Provence, au-dessus de la Durance, un émissaire chargé de retrouver sinon Elzéard Bouffier, sans doute décédé, du moins des traces de son passage.
Et... rien. Pas plus d’Elzéard Bouffier que de forêt miraculeuse...
Dépités et vexés les américains traitent l’écrivain de menteur, de mystificateur et refuse, au final, de publier son texte.
     “Hé quoi, leur répond en substance le malicieux Giono : vous me demandez à moi, dont le métier est d’inventer des histoires, de vous faire le portrait d’un personnage remarquable ! C’est ce que j’ai fait !”, puis il ajoutera, dans une lettre adressée au Conservateur des Eaux et Forêts des Basses-Alpes, en 1957 : “Elzéard Bouffier est un personnage inventé. Le but était de faire aimer l’arbre ou plus exactement faire aimer à planter des arbres (ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères). Or, si j’en juge par le résultat, le but a été atteint par ce personnage imaginaire. Le texte que vous avez lu a été traduit en danois, finlandais, suédois, norvégien, anglais, allemand, russe, tchécoslovaque, hongrois, espagnol, italien, yiddish, polonais. J’ai donné mes droits gratuitement pour toutes les reproductions. Un Américain est venu me voir dernièrement pour me demander l’autorisation de faire tirer ce texte à 100 000 exemplaires pour les répandre gratuitement en Amérique (ce que j’ai bien entendu accepté). L’université de Zagreb en fait une traduction en yougoslave. C’est un de mes textes dont je suis le plus fier. Il ne me rapporte pas un centime et c’est pourquoi il accomplit ce pour quoi il a été écrit. Je crois qu’il est temps qu’on fasse une “politique de l’arbre”, bien que le mot politique me semble bien mal adapté.” ;


Forts de ce beau geste gionien, nous publions donc ce texte dans notre collection Jeunesse / A lire, avec des illustrations de Nicole Pommaux.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter la vigilance patrimoniale de l’éditeur de Giono, Gallimard. C’est ainsi que nous avons reçu, du service des droits de ces éditions, en date du 20 juin 1986, une mise en demeure “de retirer immédiatement de la vente votre édition et vous prions de nous confirmer que vous avez procédé à cette opération”, arguant du fait que les éditions Gallimard étaient “seuls propriétaires de ce texte et il est tout à fait abusif de continuer à croire qu’il appartient à qui veut le publier.”
Ce à quoi je répondis, le 3 juillet :
La volonté de Jean Giono est clairement exprimée dans sa lettre de mai 1957 : J’ai donné mes droits gratuitement pour toutes les reproductions.
C’est net sans appel. Pourquoi cette volonté ? Parce que, pour citer la même lettre, le but de ce texte est “de faire aimer les arbres ou plus exactement faire aimer à planter les arbres (ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères)”.
Ceci pour le problème des droits que vous évoquez. (...)
Ce texte est paru en fin 1985 (dans notre collection jeunesse poche à lire). Ce qui doit permettre de respecter un peu plus la volonté de l’auteur.
Comme Jean Giono a abandonné tous ses droits sur ce texte, il serait mal venu que nos éditions y gagnent ce qu’il refuse. Aussi l’équivalent des droits d’auteur et d’éditeur (10 %) sont versés à l’organisation écologiste Les Verts. (...)
Vous conviendrez que l’esprit de lucre n’est pas notre première préoccupation. Tout cela allant, il nous semble, dans le sens de la volonté écrite de l’auteur. Je ne suis pas sûr que les nombreuses reprises de ce texte (y compris celle des Éditions Gallimard en Folio-Cadet) profitent à ce point à des mouvements qui protègent l’environnement et les arbres en particulier.(...)
Par souci d’apaisement je suggérais ensuite que, nos deux éditions n’étant pas concurrentes, nous nous répartissions la diffusion : militante pour Utovie, commerciale pour Gallimard. Et je concluais : Vous conviendrez, enfin, avec moi, qu’en matière d’écrit et de pensée, au-dessus de l’héritage matériel, il existe un héritage moral.
Les Éditions Gallimard voulurent bien admettre nos raisons et nous répondirent : “Nous avons été sensibles à vos arguments et acceptons donc votre proposition relative à votre édition du texte de Jean Giono.”
Nous étions en septembre 1986. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Hé bien non. Quelle ne fut pas notre surprise de recevoir en octobre 1989 une mise en demeure “de cesser la vente de votre édition illicite, et nous formulons les plus expresses réserves quant à cette publication faite en violation de nos droits et de ceux des héritiers de Jean Giono.” Mise en demeure, signée elle, par Antoine Gallimard, à laquelle je répondis en citant notre correspondance de 1986.
Pour le coup, l’incident fut clos.
A noter qu’au fil des ans l’équivalent des droits d’auteur et d’éditeur de notre édition, sur ce livre, furent versés aux associations Arbres sans frontières, Robin des Bois ou Greenpeace.

    Jean-Marc Carité - La petite histoire des éditions d’UTOVIE - 50 ans et toutes ses dents - année 1985



TT

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